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Histoire d’une empreinte à la ressemblance parfaite

By avril 28, 2021juillet 31st, 2023No Comments

Saison 1 : Re-présenter

Histoire d’une empreinte à la ressemblance parfaite

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Photo : Vlad Kutepov, Unsplash

Nous sommes en Rome Antique, soit environ entre 753 av. J.-C. et 476 ap. J.-C. Toute l’histoire partirait de là : une empreinte. L’empreinte exacte et parfaite d’un visage, pour pouvoir toujours s’en souvenir. Tenez-vous bien : ce mot, image, tel que l’on connaît et que l’on utilise aujourd’hui, serait probablement un dérivé linguistique actuel du mot latin imago, dont l’une des traductions possible désignait, en Rome Antique, les masques mortuaires.

Un masque mortuaire était l’empreinte en cire 3D du visage d’un mort.

En Rome antique, le masque mortuaire était une technique qui consistait à créer un moulage en cire du visage d’un personne qui était récemment décédée, pour en conserver un portrait fidèle en 3 dimensions.

Concrètement, à Rome, l’attachement aux ancêtres était profond et un vrai culte était voué aux morts. Par ailleurs, les imago étaient nécessaires, aussi bien pour le bon déroulement du rite funéraire que pour les manifestations de dévotion des descendants.

Le masque était peint, puis conservé en reliquaire dans la famille du défunt. Parfois, lors de procession funéraires, le masque était de sortie : ainsi, lors des enterrements, les ancêtres étaient en représentation et participaient à la fête avec leurs descendants. Dans le cortège, des acteurs, appelés les mimi, qui étaient choisis pour leur ressemblance avec l’ancêtre, revêtaient le masque et créaient une véritable procession dans un ensemble traditionnel très codifié.

Les imago pouvaient être considérés comme des documents traditionnels et juridiques.

Ces imago étaient conçues pour être conservées, plus que pour être regardées. Pline l’Ancien décrivait cet « imago » comme un rite de gestion généalogique de la ressemblance : il s’agissait finalement plus d’une question de justification juridique de la ressemblance que d’une représentation pour en conserver le souvenir des traits physionomiques.

Pour Pline l’Ancien*, l’art commence lorsque la ressemblance parfaite, c’est-à-dire cette empreinte (imago), est abandonnée.

L’image, comme on la comprend dans le sens du mot imago, c’est donc d’abord et avant tout, ce imite, ce qui ressemble parfaitement à quelque chose d’autre. À l’époque hellenistique, l’art était donc conçu comme capture du vivant à partir d’un modèle dont on cherchait à conserver les traits. 

Dans les différents traités hellénistiques retraçant l’histoire de l’art grecque, Xénocrate y a construit une histoire des peintres et des sculpteurs, en se basant sur des critères formels reposant sur une définition de la mimesis, conçue comme la représentation la plus exacte possible de la nature. Etant lui même bronzier, il accordait pourtant la même analyse aux statues de bronze et aux tableaux, leur attribuant une origine commune dans l’histoire du modelage : il se référait à l’histoire de la jeune fille de Corinthe.

L’histoire est la suivante : Pline l’Ancien raconte que la fille de Boutadès, potier de Corinthe, Callirrhoé, avait tracé avec un charbon de bois les traits de l’ombre de son amant sur une muraille ; ainsi était née la peinture. Boutadès appliqua ensuite de l’argile sur ces mêmes traits, en observant les contours, et la fit cuire : la sculpture en relief était ainsi apparue.

Pour les artistes théoriciens du début du IIIe siècle, la peinture cessait d’être un art décoratif au service de l’architecture et de la sculpture lors de l’invention de la technique des ombres et des lumières. La peinture devint un art autonome, à la fin du Ve siècle, avec des peintres comme Apollodore ou Zeuxis.

« L’art finit par acquérir sa propre autonomie et découvrit les ombres et les lumières qui permettent l’exaltation réciproque des couleurs par leur contraste. Puis vient s’ajouter l’éclat (splendor), autre valeur encore que la lumière (lumen). Ce qui les sépare de l’ombre, on l’appela tonos (tension), l’endroit où les deux couleurs se rencontrent et passent de l’une à l’autre harmogè (harmonisation). »

Pline nomme alors de grands artistes qui ont tendance à limiter leur palette à 4 couleurs ; plus tard, Ciceron, dans Brutus, distingue parmi ces artistes ceux qui inventent, et ceux qui perfectionnent.

Pour Pline l’Ancien, la décadence de la peinture naît ensuite, au même moment où apparaît un désintérêt pour l’art du portrait fidèle à son modèle. Il déplore alors la mode soudaine de décorer les maisons de portraits de figures étrangères, et se moque de ceux qui ont « dans leur chambre à coucher et portent avec eux le portrait d’Épicure ». Pour lui, chez les ancêtres, on n’étalait dans les atrium ni des statues d’artistes étrangers, ni des bronzes, ni des marbres, mais des bustes en cire, (les imago) qui étaient rangés chacun dans une niche particulière, images toujours à prêtes à suivre les convois de famille. 

La peinture, elle, devait servir aux rois et aux peuples à illustrer ceux dont ils cherchaient à tracer l’image pour transmettre la postérité, la ressemblance la plus parfaite des personnages. Alors tombée en désuétude, elle était remplacée par des écussons de bronze, des effigies d’argent; on changeait les têtes de statues, on tapissait les galeries de vieux tableaux, on recherchait les effigies étrangères, et il semblait que tous cherchaient à attirer le regard sur les matières employées ; or, marbres,…l’image était devenue, à ce moment là, un décor.

 

 

* Pline l’Ancien est surtout connu aujourd’hui par l’Histoire naturelle, une encyclopédie monumentale (37 volumes) qui aborde des sujets très variés, aussi bien scientifiques que techniques ou artistiques et constituant ainsi notamment une connaissance a posteriori de l’art grec, bien qu’il ne s’agisse principalement que de digressions peu détaillées qui nous permettent cependant d’avoir un aperçu de l’art de l’époque.

L’origine de la peinture, de Jean-Baptiste Regnault, 1786 (Château de Versailles)
Coyau, 

 

Sources de l’article

Agora, consulté le 3 juin 2021, article du 1er avril 2012 [article] http://agora.qc.ca/documents/Peinture–Des_origines_et_de_lhistoire_de_la_peinture_dans_la_Rome_antique_par_Pline_lAncien

Persée, « Ce que Pline l’Ancien dit de la peinture grecque : histoire de l’art ou éloge de Rome ? » [article] Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Année 2007 151-2 pp. 619-632, Rouveret, Agnès, https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2007_num_151_2_87928#crai_0065-0536_2007_num_151_2_T3_0620_0000 (Consulté le 3 juin 2021)

 

Pedro Duarte, « Qu’est-ce que la perfection d’une œuvre d’art pour Pline l’Ancien ? », paru dans Loxias, Loxias 26, mis en ligne le 29 septembre 2009, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=3048. (consulté le 3 juin 2021

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