Le cadavre exquis

André Breton, figure de proue du mouvement du surréalisme auquel il donne naissance avec son manifeste publié en 1924, prônait par ce biais la dictée de la pensée, « en l’absence de tout contrôle exercé par la raison ».

En cela, il revisite l’imaginaire et invente une nouvelle forme de créativité, propre à ce mouvement particulier.

C’est dans ce contexte qu’ils inventent un jeu que certains qui me liront connaissent peut-être déjà : le cadavre exquis.

Ce jeu collectif utilise les principes fondamentaux du processus créatif. L’idée est la suivante : une première personne commence une phrase, ou un dessin sur une feuille, le cache tout en laissant une petite partie visible. C’est à partir de cette petite partie restante que le suivant devra réaliser son dessin ou écrire la phrase qui lui viendra à l’esprit. La personne suivante doit continuer le dessin du précédent dont il n’a qu’une partie en inventant un nouveau, et plier à nouveau la feuille, puis la passer au suivant, etc. À la fin du tour, les joueurs déplient la feuille pour y découvrir une créature fantasque, parfois tant monstrueuse qu’étonnante.

Les stratégies obliques – rupture et continuité

En 1975, David Byrne travaillait sur son troisième album avec son producteur, Brian Eno. Ce dernier, pour stimuler leur créativité, ramène un jour au groupe des fiches qu’il fait tirer au hasard, qu’il appelle les « stratégies obliques ». C’est un jeu de cartes qu’il a conçu aux alentours des années 1975 avec un collaborateur, un peintre berlinois, nommé Peter Schmidt. Avec ce jeu révolutionnaire et subversif, libérateur d’idées, ils épauleront le chanteur David Bowie, le groupe U2 (qui sera moins sensible à la démarche) ou encore Coldplay.

L’idée de départ est de guider le processus créatif, en développant l’imaginaire.

Voici quelques exemples :

Imagine une chenille en mouvement
Intentions – noblesse ?
Jouissance idiote
L’eau

Il a ainsi formalisé en un jeu un mode de pensée qui est appelé “non linéaire”, ou “pensée divergente”, qui fait partie du concept de “pensée latérale”, une technique de résolution de problèmes apparue au cours des années 56. En fait, il s’agit de l’ancêtre de l’expression galvaudée “think out of the box” (penser hors des sentiers battus), qui entre en opposition avec la pensée “verticale”, qui revient à un processus de validation par étapes. La pensée latérale, elle, peut se permettre de passer d’une étape temporaire absurde à une autre plus raisonnée, sans continuité nécessaire entre chacune.

Edward de Bono, un psychologue ayant principalement théorisé cette idée, définit la pensée latérale comme telle :

« S’échapper d’idées et de perceptions établies pour en trouver de nouvelles »